David Altmejd commente l'œuvre Untitled 2 (Bodybuilders)
J’ai travaillé sur une série de géants dans laquelle je voulais explorer diverses manières de les concevoir. Il y avait donc des géants poilus, d’autres recouverts de miroir, d’autres encore en fils. L’un était constitué de moulages de mes mains. Leur action était volontairement ambiguë. Étaient-elles en train de former le corps? Ou bien, le détruisaient-elles? Creusaient-elles des trous, déplaçaient-elles la matière? Ou bien, simplement, touchaient-elles ce même corps, introduisant dès lors une dimension plus sensuelle? J’ai par la suite appliqué cette idée à des corps à taille humaine; ce furent les Bodybuilders, lesquels utilisent leurs propres mains pour transporter la matière et transformer leur corps.
Plâtre, bois, mousse, jute
The Brant Foundation, Greenwich, Connecticut
Ce sont des corps qui sont capables de se construire eux-mêmes, c’est pour cela qu’ils s’appellent les Bodybuilders. Évidemment, « bodybuilder » fait référence à « culturiste », mais là ce n’est pas ça. C’est littéralement un corps qui se fait lui-même. Donc, il est capable d’utiliser ses propres mains pour aller chercher la matière à un certain endroit de son corps et la replacer ailleurs. On peut imaginer que ce sont ses mains – d’ailleurs sa tête est faite de mains – que ce sont ses mains dont il s’est servi pour construire tout son corps, et c’est pour cela qu’il s’appelle Bodybuilder. Et j’aime bien l’idée aussi, symbolique un peu, que la tête est faite avec des mains : j’aime l’idée que mes mains contiennent une intelligence et j’aime l’idée aussi que je comprends tout de manière physique. Donc dans ma tête, ma pensée, je comprends les choses en termes de matière. C’est pour cela que symboliquement, je trouvais approprié que la tête soit faite de mains.
Les touches de couleur – on voit qu’il y a un petit peu de jaune – les touches de couleur en fait, elles sont dues au processus. C’est-à-dire la lame, quand elle est neuve et fraîche, elle est peinturée en jaune. Donc la couleur déteint. Et pour moi, c’est très important aussi que l’objet soit le résultat de sa fabrication. Alors, je ne veux pas enlever ces choses-là. Pour moi, ça fait partie de l’histoire de l’objet, ça fait partie de ce qui le définit, comme une personne est définie par son histoire, est définie par tout ce qui lui est arrivée. Ce serait idiot d’essayer de faire disparaître toute son histoire pour qu’elle devienne une image parfaite. Pour moi, c’est super important de garder toutes ces traces-là, parce que c’est l’histoire de la fabrication, de la construction de l’objet, qui définit sont identité.