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Sarah Altmejd

2003

David Altmejd commente l'œuvre Sarah Altmejd

Je voulais faire quelque chose de très puissant. Plutôt que de sculpter le visage de ma sœur, j’ai créé un trou noir. J’aime vraiment ma sœur, mais je ne souhaitais pas reproduire mes sentiments. J’ai toujours essayé d’éviter la représentation. Je voulais introduire quelque chose de nouveau dans le monde en empruntant un chemin différent ; faire quelque chose qui ne visait pas la représentation. Faire du nouveau est une chose positive, même lorsqu’on travaille avec de l’horrible. Je me suis ainsi concentré sur les petites structures brillantes qui poussaient sur le rebord du trou. Donc, durant tout ce temps, je me suis trouvé devant un trou noir, qui est soit ma sœur, soit moi-même.

David Altmejd cité par Robert Hobbs, dans « David Altmejd: Beyond the Apocalypse », dans Isabel Nenero (dir.), David Altmejd, Bologne, Damiani, 2014, p. 205-206.

Plâtre, peinture acrylique, polystyrène, cheveux synthétiques, fil de fer, chaîne, bijoux, paillettes

Collection Victor Altmejd, Montréal

Sarah Altmejd

2003

Quand j’ai produit l’objet, quand j’ai travaillé sur l’objet, je n’avais aucun atelier, je n’avais pas de studio, je n’avais pas de matériaux, je n’avais pas d’argent. Je faisais de la sculpture sur le plancher de ma chambre à coucher. Je ne voulais pas me sentir comme victime des circonstances. Donc, je me suis dit que ce n’est pas parce que je n’ai pas d’argent, puis que je n’ai pas d’atelier, que je n’ai pas de matériaux que je ne peux pas faire un objet infiniment puissant et profond. Alors, je me suis dit, O.K., c’est ce que je vais faire. Je vais prendre le buste de la personne que j’aime le plus au monde et puis je vais faire un trou noir à l’intérieur du visage pour que ça devienne une espèce d’espace infini.

Alors, je me suis retrouvé à genoux, sur le plancher à passer des heures autour du trou, à coller des petits cristaux, des petits brillants ici et là, sans me rendre compte que j’étais à deux pouces d’un trou infini noir qui était en fait ma sœur. Donc, l’objet devenait quelque chose de très fort pour moi, mais aussi le faire a été quelque chose d’extrêmement intéressant pour moi. Parce qu’évidemment, c’est sûr qu’il y a quelque chose de violent aussi, c’est sûr que c’est interprété comme ça, mais pour moi, ce qui est intéressant, c’est justement de partir de quelque chose qu’on aime, mais plutôt que de le représenter d’une façon prévisible, d’aller dans une direction complètement opposée. Parce que, ce que ça fait ça, quand on décide de ne pas aller vers la représentation mais d’aller vers une direction complètement opposée, ce que ça veut dire c’est qu’on fait quelque chose de nouveau. Parce que si je représentais la chose que j’aime de manière à ce qu’elle soit lue comme la chose que j’aime – belle, avec des beaux cheveux, avec des yeux scintillants –, il n’y aurait rien de nouveau. J’aurais juste recréé ce qui existe déjà. Pour moi, ça c’est quelque chose de triste parce que je suis convaincu que ce qu’il y a d’extraordinaire en art, c’est qu’on a la possibilité en tant qu’artiste de faire quelque chose qui n’existe pas dans le monde. C’est de faire quelque chose pour la première fois qui va être nouveau, qui va exister. C’est ce que j’ai compris en faisant cette sculpture.

Cette espèce de trou noir infini, je peux l’interpréter comme le néant, comme l’univers une fraction de seconde avant le big bang. Donc, on arrive dans l’expo, la première chose qu’on voit c’est le néant, l’univers juste avant le big bang. Et ensuite de ça, on se tourne, le big bang a eu lieu, et on se retrouve dans l’univers, quand on rentre dans l’expo, on se retrouve dans l’univers une fraction de seconde après le big bang.